• Quelqu'un a déjà sorti un téléphone cellulaire Minolta pour appeler un taxi et, alors que je n'écoute pas vraiment, observant un type en train de régler l'addition, qui ressemble singulièrement à Marcus Halbertstam, quelqu'un me demande pourquoi ?

    Comme ça, sans aucun lien avec quoi que ce soit et, très fier de mon sang-froid, de ma capacité à me contrôler et à faire ce que l'on attend de moi, j'attrape la question au vol, l'induit immédiatement, pourquoi ? et y réponds aussitôt, sans préparation, comme ça, j'ouvre la bouche, et des mots en sortent, un résumé simplifié à l'usage des imbéciles.

    En fait, bien que je ne sache pertinemment que j'aurais du faire cela au lieu de ne pas le faire, j'ai vingt-sept ans, bon Dieu, et c'est ainsi que, euh, que les choses se présentent dans un bar ou dans une boîte, à New York, et partout, peut-être, en cette fin de siècle, et c'est ainsi que les gens, tu vois, les gens comme moi, se comportent, et voilà ce que signifie pour moi peut-être Patrick, enfin, c'est ce que je pense...

    Et donc voilà, hein, euh... Suit un soupir, un léger haussement d'épaules, un autre soupir et au-dessus d'une des portes, masquées par des tentures de velours rouge, il y a un panneau, sur ce panneau, en lettres assorties à la couleur des tentures, est écrit SANS ISSUE

    Bret Easton Ellis, American Psycho


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  • Un titre délibérément provocateur - suite à des réactions excessives survenues après une récente publication me positionnant aux yeux de certains, comme appartenant à la catégorie très enviée - - - des homophobes [soit] - - - Mais qui est donc Guillaume Dustan ?

    Né en 1965 après de brillantes études, il entame une carrière de magistrat. Apprenant sa séropositivité, il plaque tout, change de nom, se rase la tête, publie d'abord trois romans chez POL, crée ensuite la collection Rayon Gay, devenue "Le Rayon" aux éditions Balland.

    En 1999, il obtient le prix de Flore. Tout y passe : la soi-disant gauche, les sorcières, la drogue, l'ordre hétéro-nazi - le star-system. Ecrivain le plus zinzinble mais pas le moins zizible des contempocoupsdereins de sa génération. Il y règle ses comptes tous azimuts. Dynamite la syntaxe et la litterature molle et conssensuelle. En forme, libre et excessif, vous l'aviez deviné, il incarne le Génie Divin.

    [ K.L ]


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  • Je monte dans la limousine de France 2. Je lis un passage de Glamorama. " Je voulais être belle, je voulais être riche, je voulais être célèbre... " Vous en voulez encore ? je demande. Allez un p'tit peu [...]

    Il est où Bret , je demande, il est à quel hôtel ? On ne sait pas. Je suis fatigué, flippé. On peut y aller ? demande une voix. Il me plait. Il est beau. Il est sexy. Je l'adore. Je sais qu'il a une grosse bite. On fait un soundcheck, demande quelqu'un.

    Hello, dit Bret, l'air complètement las. Let's begin with nice things, je dis. Il se fige. Il sourit. Would you autograph me this, je dis, it's the first edition. Something important I'm a fan, je dis. Il sourit. Il est content. Surpris, aussi, un peu sûrement.

    [...] Il signe Bret EE 2000 (je vais lui piquer le truc après). That's cool, je dis, thank you. Jusqu'ici c'est passionnant. Ok so we have half an hour, je dis, and I have political questions, personal will be very difficult for me to answer, il dit, but I will give it a shot, and I will try That's nice, je dis.

    Literary questions are easy, il dit. Il se marre So please go ahead, il dit, l'air riche, puissant et fatigué. Since less than zero, je dis, the history of the western world has shown a tendancy to look like a Bret Easton Ellis novel. Do you think everybody is coming Bret Easton Ellis ? No. Il dit if eveybody became Bret Easton Ellis - I would commit suicide. I couldn't bear a world where eveyone was like me [...]

    Guillaume Dustan, Génie Divin  


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  • Je lui demande de partir tandis qu'il sanglote : Oh mon Dieu, Patrick, pourquoi est-ce que tu ne m'aimes pas un peu ? sur quoi de façon consternante, il tombe à terre, à mes pieds. Relève-toi, dis-je entre mes dents, immobile. Relève-toi. Pourquoi ne pouvons-nous pas être ensemble ? sanglote-t-il, frappant le sol du poing [...]

    Incapable d'enregistrer cette demande, Luis s'accroche à l'ourlet de mon trench-coat en soie Armani et s'écrie, gisant toujours sur le sol : Je t'en prie Patrick, je t'en prie, ne me quitte pas. Ecoute moi dis-je, m'agenouillant et essayant de le relever [...]

    Toujours à genou, j'attrape Luis par ses épaules secouées de sanglots. Ecoute moi Luis, dis-je d'une voix sourde, comminatoire, comme si je menaçais un enfant d'une punition, si tu ne cesses pas de pleurer, espèce de pauvre putain de pédale, je t'ouvre la gorge comme une merde [...]

    Je sens que ma raison risque de basculer, là chez Barney et, attrapant Luis par son col que je tords dans mon poing, j'attire son visage tout contre le mien et chuchote, d'une voix à peine audible : Ecoute moi, Luis. Est-ce que tu m'écoutes ? Généralement, je ne préviens pas les gens, Luis. Alors-estime-toi-heureux-que-je-te-prévienne. Toute raison annihiliée, émettant des sons gutturaux, la tête courbée par la honte, il me fait une réponse à peine intelligible. L'attrapant par les cheveux - ils sont cartonnés par la mousse, dont j'identifie le parfum ; c'est Cactus, une nouvelle marque - je lui relève brutalement la tête et lui crache au visage, la voix grondante : Ecoute, tu veux mourir ? 

    Je m'en charge, Luis. J'ai déjà fait ça, et je vais te viander, t'ouvrir le bide comme un porc et te faire bouffer tes tripes pleines de merde jusqu'à ce que tu crèves, espèce de tante à la con. Il n'écoute pas. Toujours accroupi, je le regarde, incrédule. Je t'en prie Patrick [...]

    Bret Easton Ellis, American Psycho


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